Témoignages

Comment je suis (re)devenu bisexuel ?

bisexualité

Il y a exactement trois ans de cela, alors que je commençais à peine à creuser dans les tréfonds de mon intimité et que je me demandais comment appréhender ma sexualité, j’avais pondu ce fameux article sur la bisexualité qui, aujourd’hui, ne me parle plus réellement. (Fameux peut-être pas, je vous l’accorde)

bisexualité

(cc) Darwin Bell – flickr

Ma première erreur fut de comparer la bisexualité à un statu quo, une situation transitoire, même si j’ai réussi à faire en sorte que mes propos ne soient pas jugés trop sévèrement.

J’ai opté pour la prudence à l’époque

incapable de comprendre ce qu’il se passait exactement dans ma tête, mon corps, et surtout très loin d’imaginer qu’il s’agirait, pour moi, d’une revendication à part entière. De manière générale, j’ai compris non sans mal que toutes les sexualités n’étaient pas envisagées de la même manière, selon qu’elles caractérisent, en sus, un homme ou une femme.

Être bisexuelle parce qu’on ne parvient pas à déterminer notre attirance

Si on est exclusivement hétéro ou parce qu’on ne veut pas du tout assumer le fait d’être lesbienne, relève pour moi d’un sérieux manquement à la cause bi. Mais encore une fois, je suis dans la revendication et il serait malvenu de ma part de critiquer les choix de vie de qui que ce soit. (Qui que tu sois, si je t’ai heurtée, je te présente mes excuses. Mais bats-toi bon sang, bats-toi plus fort !)

Évidemment, toutes ces réflexions ne se sont pas faites en un jour

Et je continue de réfléchir sérieusement à la question. Je me documente, j’essaie de me renseigner discrètement sans heurter les consciences, j’affûte au fur et à mesure mon avis sur le sujet. J’en ai tiré quelques conclusions peu enthousiasmantes :

1) Aussi anecdotique que cela puisse être, la bisexualité n’est pas un sujet qui semble intéresser Google. En substance, cet article raconte comment le terme ne remonte pas automatiquement en auto-complétion dans le moteur de recherche.

(Force est de constater que les termes lesb, gay, trans, ne rencontrent pas non plus un franc succès. D’autant que pour homo, c’est homophobe qui remonte en deuxième position, et homosexuel loin derrière, quand pour l’intersexualité, les premiers liens de recherche renvoient sur des sites juridiques. Effarant.)

2) Malgré une fiche assez bien construite, conséquemment fournie en informations (et documentée, rien n’est moins sûr) sur Wikipédia, l’une des définitions admise précise ceci :

« Dans son sens actuel, le terme « bisexualité » désigne les conduites et l’attirance sexuelle ou sentimentale pour des personnes de sexe féminin et masculin, soit simultanément soit alternativement. »

Une question me taraude : est-ce qu’on précise cette ambivalence lorsqu’on définit l’hétérosexualité ou même l’homosexualité ? Non, pas à ma connaissance. Poursuivons…

3) Enfin, conclusion des plus désespérantes et qui assoit la position fragile de la bisexualité dans nos contrées et qui échauffe les oreilles de tout-e féministe normalement constitué-e : les hommes bisexuels refoulent “forcément” leur homosexualité tandis que les femmes bisexuelles cherchent à “s’encanailler” (phénomène fréquent et répandu de la bi-curiosity).

Je vous passe volontiers les angoisses existentielles de certaines lesbiennes

Elles qui prétendent ne vouloir jamais sortir avec des femmes bisexuelles. Et du côté des hommes, on oblige le bisexuel à s’avouer exclusivement attiré par les hommes sous peine d’être raillé sans arrêt par son entourage, notamment gay.

À demi-mot, on enfonce encore davantage le clou de la soi-disante suprématie de l’homme sur la femme, l’auto-suffisance de l’homme en comparaison à la femme et autres analogies qui me rappellent les heures sombres de la culture gay, à l’époque où gays et lesbiennes semblaient n’avoir strictement rien en commun, si ce n’est leur sexualité “marginale”.

Mais comment suis-je devenue bi, dans tout ça ?

Je suis tombée amoureuse d’une femme, et en la rencontrant, j’ai estimé n’avoir plus rien à faire avec les hommes. Je me suis donc considérée lesbienne très longtemps, et encore aujourd’hui, j’ai du mal à abandonner ce rôle social. Parce que c’est de ça dont il s’agit, en réalité ; mon orientation sexuelle ayant toujours été plutôt fluctuante au fil des années.

Je suis retombée amoureuse

Et comme le hasard fait toujours ce que bon lui semble, Cupidon a décidé pour moi de jeter son dévolu sur un homme. Pourquoi pas, après tout. Sauf que je n’ai à aucun moment remis en cause mon attirance pour les femmes, depuis lors.

C’est donc ça, la bisexualité ?

Le pouvoir d’aimer alternativement et aléatoirement des personnes du même sexe ou du sexe opposé, sans se préoccuper d’appartenir à la famille hétéro ou homo, sans se demander si le ratio d’histoires homo/hétéro est respecté, sans se méfier de nous-mêmes sous prétexte qu’on est plus susceptibles de tomber amoureux d’une autre personne, personne qui serait du sexe opposé à celui avec qui on partage notre vie ?

(Vous le sentez, là, le mal de crâne carabiné ? Déjà pour nous c’est compliqué, mais alors quand en plus je prends la peine de rappeler que les bi ne sont pas plus touchés par le polyamour que les hétérosexuels, les homosexuels, les pansexuels et même les asexuels – ni plus, ni moins – ça me déprime.)

Dans ce cas, je sais enfin ce que c’est que d’être bisexuelle, et j’ai de quoi en être fière.

A propos de l'auteur

Rose H.

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