Mode

Vêtements identiques pour mère et fille : technique marketing dans l’industrie de la mode

mère fille

Telle mère telle fille. Jamais l’adage n’aura été aussi vrai, en tous cas dans le monde si merveilleux de la mode. Inauguré il y a une dizaine d’années par « Comptoir des cotonniers » avec ses campagnes de pub associant mères et filles habillées de façon quasi similaires par la marque, le concept consistant à vêtir petites et grandes de manière identique fait rage un peu partout.

mère fille

L’année dernière chez Monoprix, c’était la marque Bash qui se lançait et se voyait dévalisée de ses blouses et autres chemises en quelques jours. Cette année, ce sera April May qui s’y collera avec à nouveau des modèles déclinés du 2 ans au 46. Et la tendance est la même partout. Chez Les Petites, tu peux trouver de quoi te fagoter – pour cher bien sûr – toi et ta rejetonne, idem chez Paul and Joe, mais aussi Cyrillus si t’es plus classique ou évidemment chez Petit Bateau qui a en plus la gentillesse de ne pas appeler un 42 un 42 mais un 18 ans ce qui forcément le rend immédiatement plus sympathique.

Bref, tout est fait pour donner envie aux mamans de ressembler à leurs petites.

Trop Super.

Mouais.

Quoi que.

En fait, non.

Ben quoi, vous vous doutiez bien tout de même que je n’allais pas me contenter de vanter les mérites d’une technique marketing redoutablement efficace, si ?

Non parce que bon, le couplet sur les marques qui ont créé leur collection « enfant » et qui cartonnent, vous pouvez le lire partout dans la presse féminine sans que personne ne s’en émeuve particulièrement. Donc en gros, ma valeur ajoutée est nulle et non avenue d’autant que dans le genre fashionista on fait mieux que moi. Si si, j’insiste.

Donc disais-je, quelque chose me gêne atrocement dans le concept

D’abord parce que normalement, ce sont les filles qui veulent ressembler à leurs mères. Pas l’inverse. Et c’est en général aux plus âgées, les mamans, qu’il revient d’expliquer que non non non, rien à faire, les filles n’épousent pas leurs papas et sont des êtres à part entière, bien différents de leurs génitrices. Même si bien sûr ces dernières sont les plus merveilleuses et de loin, on est d’accord.

Or là, on assiste à un retournement de situation

Parce que soyons claires, ce ne sont pas les gamines de cinq ans qui réclament d’avoir la même jupe que maman de chez Paul and Joe. Non, c’est surtout la mère qui prend son pied à pouvoir s’habiller comme sa petiote. Parce qu’après tout, tant qu’on peut avoir le look d’une adolescente, c’est que quelque part, on en est une, non ? Il est d’ailleurs troublant de constater sur certaines pubs « Comptoir » qu’on n’arrive plus à différencier qui de l’une ou de l’autre est l’héritière…

Le problème c’est qu’outre le fait de leurrer les mères sur leur prétendue jeunesse, cette mode finit par interdire à la fille d’être une autre.

Elle se doit de rester le reflet de sa maman, une version plus jeune plus parfaite, mais une copie avant tout. Je sais, j’exagère probablement et vois le mal partout surtout quand il s’agit de l’univers trendy. Sauf que tout de même, que vous inspire l’expression utilisée en anglais pour décrire une mère et sa fille : « She and her mini-me » ? Expression particulièrement usitée lorsqu’il s’agit de commenter les photos des stars – kate moss, Heidi Klum, Angelina Jolie et cie – qui portent à bout de bras l’accessoire ultime, le must du it-bag, leur bébé. De sexe féminin si possible, c’est plus pratique pour les mini-leggings.

On peut trouver ça craquant.

Moi perso ça me fait froid dans le dos

Ma fille n’est pas une mini-moi. Et si parfois cela peut être amusant de parader dans la même robe baby-doll, il me semble indispensable que chacune reste à sa place, à savoir moi du côté des ancêtres et elle de la relève. Et si bien sûr je rêve de porter le combi-short comme elle, je me réjouis surtout qu’elle soit si jolie ainsi et si… unique. Si… elle même.

Un jour ou l’autre elle me détestera et ce sera bon pour son équilibre

Un jour ou l’autre les garçons la regarderont et pas moi et ce sera bon pour son équilibre. Un jour ou l’autre elle sera désirable et plus moi et… Bon, bref, même si à ce moment là je serai peut-être sous Prozac, je tenterai de faire en sorte qu’elle n’en connaisse pas la raison.

Alors je le dis tout net, la mode mère fille ne passera pas par moi et pas uniquement parce que je ne rentre pas dans les pantalons de chez Comptoir. Juste parce que je n’ai pas besoin de voir en elle tout ce que je ne suis pas ou plus pour l’aimer.

Edit: Quelqu’un parle bien mieux que moi de tout ça : Fusion mère-fille, s’en sortir ou y laisser sa peau, de Doris-Louise Haineault, Éditions PUF, 110 pages

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PenseeDeRonde

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