Témoignages

Comment parler de sexualité au travail avec ses collègues de bureau sans que ce soit du harcèlement sexuel?

« Et toi, tu suces? » Telle est la première chose que cette collègue de travail m’a demandé, il y a cinq ans, alors que je commençais tout juste ce nouveau travail. Il y a eu “bonjour” et juste après “et toi, tu suces?”. Même pas par provocation, non, non, juste comme ça, pour discuter de la pluie et du beau temps. Cela peut-il constitué un début de harcèlement sexuel ?

Il y a cinq ans, mon cœur s’est mis à battre la chamade, j’ai rougi, blêmi et bafouillé quelque chose d’heureusement incompréhensible. J’ai lu dans ses yeux que je n’étais qu’une petite prude effarouchée et cette conversation s’est arrêtée là, au moment où elle détournait son regard navré de femme libérée. Elle.

S’affirmer et mettre des stops aux conversations qui tournent autour du sexe

Aujourd’hui, lorsque de telles choses se produisent (et ça n’est pas si rare), je n’hésite pas à éconduire la curieuse et lui expliquant que je ne vois pas en quoi cela l’intéresse. Et je change de sujet. Parce qu’on aura beau me dire tout ce qu’on voudra, la sexualité que me vendent les magazines, le sexe exhibé dont tout le monde parle comme de la hausse du prix du pain, les sextoys et les mags consacrés aux aventures libidineuses de ces dames, désolée, mais moi je n’adhère pas.

Sérieusement, je trouve ça dommage de ramener cette chose si complexe à une conversation de café. Il y a quelque chose de trop cru dans cette façon de balancer son intimité en même temps que les 40 centimes du distributeur pour avoir son café. De trop cru et donc, pour tout dire… d’un peu porno. Raconter à sa collègue Jeannine (qu’on connaît à peine) comment, pourquoi et avec qui et quoi on a passé la nuit, est-ce que ça ne ressemble pas, au moins sur le principe, à ces histoires désincarnées, sans nuance et sans âme qu’on diffuse sur les Dorcel TV et autres XXL ?

On a beau me parler féminisme et liberté (valeurs en lesquelles je crois plus que tout), pour moi, tout ça n’est qu’une façon de s’abuser soi-même. Essayer de se faire croire que ce n’est pas plus important que de se laver les dents, ou d’aller faire ses courses. Or la sexualité, quelle que soit la façon dont on la vit, c’est tout le contraire d’une chose anodine. C’est l’expression du plus intime de l’intimité, là où on se montre, c’est le cas de le dire, à nu. Là où on se découvre aussi, là où on exprime une autre part de soi. Là où se manifestent certains traumatismes, des doutes, des peurs… Des trucs hyper perso, quoi !

Et je trouve injuste et irrespectueux vis-à-vis de soi-même de reléguer ce sexe qui nous dévoile autant au rang de conversation d’ascenseur.

Et non, ça n’est pas par pudibonderie ou parce que je suis coincée ou parce que je suis frigide. Et oui, moi aussi, je suis contre les tabous et je suis convaincue que cette liberté de parole a du bon. Et oui je crois qu’on peut tout faire et de toutes les façons que l’on veut, dans un lit ou ailleurs à partir du moment où chacun est consentant. C’est simplement que je réclame le droit de ne pas faire partager cette information-là, si je suce. Ou pas.

A propos de l'auteur

Cachemire et Soie

Laisser un commentaire